dimanche 25 mai 2008

Fushimi inari


Labyrinthe d'arches orange, le sanctuaire de Fushimi, près de Kyoto est unique en son genre et par son ampleur. Associé à un kami (une divinité shintô) nommé Inari, le site est l'objet d'un culte attentif depuis bien longtemps. On attribue bien des vertus et des pouvoirs à ce Dieu, représenté parfois en homme souvent en femme, qui aide à la fertilité (des hommes comme des cultures), qui préside au commerce ou encore protège les pompiers, les prostituées et les montagnes... Ses attributions sont étendues car il s'agit en fait d'une vieille divinité locale plénipotentiaire peu à peu assimilée au bouddhisme puis au shintoïsme.
Chaque famille dévouée donne un torii, cette porte de couleur rouge vermillon, en inscrivant son nom sur le montant. Au fil des années, de véritables pistes sacrées se sont tracées dans la montagne sur des kilomètres. Les plus modestes se contentent d'une reproduction de torii, posée sur un autel. Et pour que le message parvienne plus vite à l'intéressé, on ajoute un messager. Celui d'Inari est le renard... qu'on trouve un peu partout sur le site.

Horyu-ji

Puisqu'il en faut, commençons par les superlatifs... Le temple Horyu et ses bâtiments constituent les plus vieilles constructions en bois du monde encore debout. Le complexe a été consacré au début du VIIe siècle; il se situe aujourd'hui près de la ville de Nara. C'est le premier site japonais inscrit au patrimoine mondial de l'humanité.
Sans être le plus impressionnant, Horyu-ji compte parmi les temples les plus reposants. En fin de journée, sans personne dans le dédale vert de ses alentours, sans même une âme dans les allées intérieures bordées de murs, l'ambiance est à la sérénité.

Manga!

Culturellement, la bande dessinée a autant d'importance au Japon qu'en Belgique... Certains historiens n'hésitent pas à faire remonter l'origine des mangas au XVIIIe siècle, alors qu'on peut raisonnablement faire commencer la bande dessinée franco-belge au XIXe siècle. La lecture se fait en revanche de manière différente... Le manga s'achète le plus souvent en kiosque et se lit rapidement, dans les transports en commun par exemple. Des pavés de 300 pages sortent chaque semaine avec des dizaines d'histoires à suivre, en noir et blanc. On lit, on jette. Ce qui ne signifie pas que le genre soit méprisé. Le mangaka (le dessinateur) est astreint à un rythme de production très poussé... pour suivre les exigences de son éditeur.
Rares sont ceux qui peuvent passer à une étape artistique plus développée et personnelle. Il serait injuste toutefois de ne pas parler de cette frange du 9e art nippon. Avec des artistes comme Jirô Taniguchi, sûrement le plus célèbre en Europe, le manga gagne ses lettres de noblesse et entre dans le domaine de la littérature. Poétiques ou militantes sur le fond, virtuoses ou novatrices sur la forme, certaines oeuvres sont de purs bijoux. Citons parmi les mieux diffusées, Quartier lointain ou L'homme qui marche de Jirô Tanigushi ou encore Akira de Katsuhiro Otomo, dans un tout autre genre. Le pays des cerisiers de Fumiyo Kouno, Le quartier de la lumière de Asano ou encore Le journal d'une disparition de Azuma sont autant de très belles découvertes récentes... dans des genres variés.
Un peu partout, des cybercafés proposent des murs entiers de mangas; les ados peuvent s'enfermer des heures pour épuiser des séries entières. Dans le train, l'homme d'affaire sort de son attaché-case un volume d'aventures spatiales. Tandis que sa voisine dévore une histoire policière comique. L'univers graphique des mangas est donc très répandu au Japon... et s'il est abusif d'appeler manga tout ce qui est dessin japonais, on peut remarquer que l'utilisation de vignettes dessinées avec des connotations humoristiques est fréquent dans les affichages publics.
Enfin, comme en Belgique, la bande dessinée possède son musée au Japon. Le International manga museum de Kyoto est un centre culturel très dynamique.

Fuji san

C'est un cône presque parfait de 3776 mètres. Et c'est toute une histoire d'amour avec le peuple qui s'y identifie. Appelé Fujiyama par les Occidentaux, le volcan possède une trentaine de noms en Japonais, poétiques ou obsolètes, imagés ou concrets; l'origine exacte du terme "fuji" demeure mystérieuse.
Il s'agit d'une partie du dispositif tectonique appelé "ceinture de feu du Pacifique". Le volcan est toujours en activité; sa dernière éruption date de 1707 et même si le risque est faible, les mesures de sécurité et la surveillance sont toujours de mises.
Depuis longtemps, le mont Fuji est l'icône, pour ne pas dire le symbole, du Japon. Les peintures du XVIe siècle le mettent en scène avec déférence et encore aujourd'hui, les photos du Shinkansen fendant les rizières avec le volcan en arrière-plan sont légions dans les offices du tourisme. On oublie de montrer que le mont Fuji, c'est aussi ça:
L'ascension a longtemps été un rite religieux, un acte sacré. Interdit aux femmes jusqu'à la période Meiji, il faut attendre la même époque pour qu'un non Japonais puisse le gravir... Maintenant, ce sont 200000 personnes qui font son ascension chaque année (seulement 20% d'étrangers environ). L'éco-système souffre énormément de ces passages...

samedi 17 mai 2008

Pierre, feuille... ciseaux

Gû, Choki, Pâ... C'est le jeu favori des enfants japonais. Dans un bus, sur un banc ou à table, on les voit agiter leurs mains entre deux éclats de rire. La pierre et la feuille... deux éléments ô combien importants de la représentation zen et d'une vie de bien-être. L'éternel et l'éphémère, l'austère et le coloré, le solide et le fragile. Ce pourrait être un jeu pour les Parques si seulement Atropos, l'aînée des filles de Nyx, ne trichait pas en ayant toujours le dernier mot...

Ikebana


L'art japonais de la composition florale... toute une science basée sur les lignes et la beauté intrinsèque de la fleur. Les moines bouddhistes en seraient à l'origine et le shogun Ashikaga, au XVe siècle, l'aurait rendu accessible au plus grand nombre. Répandu dans le monde aujourd'hui, l'ikebana peut se baser sur une simple pousse ou mettre en scène un grand nombre d'espèces. Cette exposition de plein air à Kyoto était considérée comme osée et trop alambiquée par certains. D'autres dissertaient de longs moments devant chaque œuvre. Comme pour la cérémonie du thé, il existe plusieurs écoles de pensée pour l'ikebana.
"Connaître la théorie n'est pas le plus important pour s'approcher de la Voie des fleurs. L'Ikebana, c'est d'abord savoir regarder les plantes, les rencontrer pour de belles compositions. Pour cela il faut bien les observer et chercher le plus beau côté. Tout au long de la pratique de composition florale, on essaiera de rentrer en contact avec les fleurs et en faisant la conversation avec elles, on savourera cette rencontre unique. Chacun est un artiste avec une branche, s'il sait l'écouter."
Noriko Onda, école Sogetsu.

L'envers de Ginza

Derrière les magasins de luxe et les vitrines clinquantes du quartier chic de Ginza il y a, comme partout, une autre réalité. Des ruelles suintantes au milieu de murs fatigués; des aérations qui vomissent une vapeur acre, des portes ouvertes sur des entrepôts poussiéreux et des fenêtres cassées, bouchées à la hâte avec quelques cartons. Pour Vuitton et Cartier, c'est la première à droite.

Architecture Osaka

Puisque nous sommes dans la série architecturale, il est à noter que la ville d'Osaka peut parfois être bien plus surprenante que la capitale. Au détour de quelques rues, nous avons pu apprécier des édifices ludiques (photo 1, en plein centre-ville, la façade a été conçue pour accueillir une nacelle à sensation) mais aussi écolos (photo 2, bel exemple de végétalisation des façades).

National art center

Sans chercher les hauteurs, il est quelques bâtiments qui surprennent. Le tout nouveau centre national d'art contemporain, en plein coeur du quartier branché de Roppongi, est l'oeuvre de l'architecte Kisho Kurogawa. Cette immense vague de verre abrite 14000 m2 d'expositions, pour la plupart temporaires. Le musée se veut le plus grand espace du monde dédié à l'art contemporain.

Architecture Tokyo

Il n'y a pas de véritable skyline à Tokyo. Pas de point de vue où se détache cette ligne d'immeubles modernes qui font la célébrité de la plupart des grandes métropoles mondiales. Pas non plus d'innovations architecturales déconcertantes; la frénésie parfois fantaisiste des constructeurs laisse place à une relative sobriété. Deux quartiers pourraient à l'avenir faire mentir cette assertion: Odaiba et Shinjuku. Le premier est constitué de polders, on y trouve un centre d'exposition (photo 1) et le siège social de Fuji Tv (photo 2). Cet immense espace, relié à la ville par le Rainbow bridge, n'est pas conçu pour le piéton... un skytrain sillonne le vide entre les constructions modernes. Bel exemple d'urbanisation du littoral mais pas forcément un plaisir pour les yeux.
La deuxième zone, celle de Shinjuku, est tout aussi triste et administrative. La mairie de Tokyo (photo 3) et son petit côté soviétique ont coûté plus d'un milliard de dollars. Remplie de cols blancs le jour, Shinjuku se vide le soir pour laisser les grands immeubles plantés dans leur solitude. Contrairement aux villes de gratte-ciels comme New York ou Hong Kong, il n'y a pas (encore?) d'âme dans ces lieux; tout est purement fonctionnel. C'est là que Roman Coppola a judicieusement choisi de tourner son Lost in translation (dans le Century Hyatt). Il y a effectivement une étrange impression d'enfermement dans cette ville au milieu d'une autre. Une nouvelle tour, arrondie et élancée (photo 4) voit le jour actuellement; c'est le genre d'édifice qui peut faire évoluer l'ambiance architecturale du quartier, pour le moment dominé par l'austérité (photo 5).

vendredi 16 mai 2008

Coup de bambou

C'est toujours un émerveillement de contempler les forêts de bambous... et quand celles-ci sont habillées de lumières pour former la lisière d'un temple, les images deviennent poésie nocturne.

Monstres & Cie

Les temples sont bien protégés et pas une âme n'oserait aller à l'encontre des génies bienveillants, des gardiens terribles et autres serviteurs mythiques.

Le livre de prières 2




lundi 12 mai 2008

Le livre de prières 1

Nara est encore aujourd'hui une ville très religieuse. Les touristes y sont pour la plupart des Japonais. Ces derniers font remplir par les moines, ou l'équivalent de diacres dans le shintoïsme, des carnets à la fois de prières et de souvenirs. Cette initiative est ouverte aux profanes et nous avons pu compléter, au cours de notre périple, un magnifique ouvrage de calligraphies. A chaque page, le religieux inscrit le nom du temple, dans sa version vernaculaire puis religieuse, et la date du jour, avant d'apposer les tampons rouges qui appartiennent aux lieux. Au final, c'est un précieux carnet de route, religieux par essence mais surtout sacré par la beauté de l'écriture et du symbole.

Todai ji

Jusqu'au VIIIe siècle, la cour impériale était itinérante. A la mort d'un empereur, la ville de résidence était considérée comme salie, et il fallait donc déménager. L'actuelle cité de Nara est devenue capitale en 710... l'ampleur des constructions et la majesté des créations de l'empereur Shomu en ont fait un lieu mythique où le pouvoir s'est stabilisé quelques temps. C'est alors que Todai-ji est né: le bâtiment en bois le plus grand du monde. L'ouvrage mérite toujours ce superlatif même s'il n'est qu'une restitution modeste de la construction initiale de 782, qui a brûlé à plusieurs reprises. Las de la folie des grandeurs (quoique...), les moines ont édifié cette dernière version en 1708. A l'intérieur, une gigantesque statue en bronze de Bouddha domine les fidèles.

mercredi 7 mai 2008

Les gardiens du temple

Deux énormes statues gardent les entrées de tous les temples. Elles ont à peu près toujours les mêmes poses mais le style varie évidemment en fonction de l'habileté du sculpteur, et la taille selon les revenus du temple. Il s'agit de Naraen-kengo et de Missha-kongo, deux divinités issues de l'hindouisme, réputées pour leur force exceptionnelle. L'une a toujours la bouche grande ouverte, tandis que l'autre la tient fermée; pour stopper le mal et laisser passer la vertu. Les Japonais les appellent également Nio, c'est-à-dire les deux rois.

mardi 6 mai 2008

Soleil levant

Une main maladroite émerge des couvertures à la recherche des lunettes. Première inflexion de sourcils... c'est un tatami. Les cannelures de la paille de riz forment des vagues plus grandes qui rebondissent jusqu'à l'ourlet de tissu. C'est une sensation agréable au toucher, un peu comme une natte sur la plage. Deuxième inflexion, avec l'autre sourcil: pas de lit! A même le sol est posé le futon, composé de ses deux habituelles parties. Ce n'est pas comme à la maison... et un œil endormi à peine entrouvert fait surgir le présent. Le Japon... Une chambre d'auberge dont les fenêtres laissent déjà filtrer les premiers rayons d'une nouvelle journée. Et comme nous sommes au pays du soleil levant, la situation parait privilégiée question primeur...

lundi 5 mai 2008

Kimono, yukata et caetera

Une silhouette blanche se découpe sur le mur... Élégante et fine, elle sautille en se protégeant du soleil. Deux jeunes filles promènent leur ennuis en kimono dans un temple. Un jeune couple pressé file tant bien que mal avec leurs geta, le long d'une grande avenue moderne... Ce ne sont pas les déguisements le temps d'une fantaisie: les costumes traditionnels ont encore énormément d'importance au Japon. A l'occasion de la fin de l'année universitaire, notamment, les jeunes diplômés, filles et garçons, arborent leurs plus beaux habits.
Plusieurs écoles s'affrontent sur les termes exacts à employer. A ma connaissance, le kimono est le terme propre aux vêtements traditionnels encore portés aujourd'hui en de nombreuses occasions; il est composé de plusieurs pièces de tissus et de quelques accessoires essentiels telles les geta (chaussures en bois), les tabi (chaussettes avec un espace entre le gros orteil et les autres) et les obi (ceinture traditionnelle très large dont la signification varie selon les tailles et les couleurs). Le yukata, quant à lui, est le vêtement de bain, celui qu'on utilise dans les lieux publics ou chez soi. Enfin, pour pratiquer les arts martiaux, il faut vêtir le karategi, le judogi ou le keikogi selon l'occasion.
La photo suivante ne date pas de cette année... mais de mars 2005, lors d'un précédent voyage dans l'archipel. Cet instant volé est longtemps restée emblématique du périple; même si je me mords encore les doigts de ce cadrage malheureux et de la parallaxe sur l'appareil de l'époque!

Bon guesthouse - Kyoto

Une page de publicité bien méritée pour Bon... et son auberge. A deux pas de Daitoku-ji, et à trois stations de métro du centre de la ville, dans un quartier tranquille et populaire, Bon a posé ses valises après quelques années de voyages à travers le monde. Toujours amoureux de sa ville, ce Japonais partage ses coups de cœur et ses bonnes adresses. A des prix défiants toute concurrence, il propose un petit nombre de chambres, typiquement japonaises, et surtout, un espace de vie agréable et reposant. http://www.guesthouse-bon.com/e-index.html

Daitoku-ji

Fleuron de l'architecture zen de Kyoto, Daitoku-ji n'est pas un temple... c'est tout un complexe religieux. Fondé au XIVe siècle, secret et préservé, il est composé de 25 bâtiments. Seuls sept sont visitables car les moines sont encore nombreux à occuper les lieux. Koto-in est l'une des composantes harmonieuses de ce havre de paix.
C'est un pavillon dédié à la cérémonie du thé dont le jardin diffuse une douce lumière tamisée. Non loin, les moines entonnent leurs prières; une longue litanie qui s'insinue entre les arbres avant de nous envelopper.

samedi 3 mai 2008

Himeji

Sûrement le plus célèbre du Japon, le château de Himeji est aussi l'un des mieux conservés et parmi les plus vastes. Construit vers le milieu du XIVe siècle et modifié vers la fin du XVIIe siècle, il a échappé aux flammes et représente aujourd'hui un exemple parfait de construction féodale. Son architecture, ses défenses, son intérieur... beaucoup de choses diffèrent des connaissances européennes sur les châteaux forts (jô en japonais). Nos versions sont organisées de manière concentrique, depuis les douves jusqu'au donjon en un maximum de couches successives. Ici, malgré la présence de murs défensifs en aval, tout se joue sur la tour principale en bois dont il faut prendre les étages un par un... Les concepteurs nippons rivalisent donc d'imagination pour protéger l'intérieur plus que l'extérieur: chausse-trappes, cachettes, meurtrières intérieures, successions de portes coulissantes, doubles escaliers aux pentes raides... On retrouve bien sûr l'équivalent de nos mâchicoulis et quelques subtilités guerrières.
Par une sorte de convention tacite, le feu était assez peu utilisé pour attaquer une forteresse, le but étant qu'elle soit réutilisable par le vainqueur. Il n'était toutefois pas rare que les flammes embrasent accidentellement les lieux; les dauphins sur les corniches (cf. photo, sic) sont symboliquement présents pour éviter ce genre de désagrément. Les bombardements américains ont en revanche occasionné énormément de dégâts sur la plupart des châteaux du pays. De fait, la plupart des forteresses ont été reconstruites après la Seconde guerre mondiale.