mardi 24 avril 2007

Banteay Srei

Le temple des femmes... on le dit si fin et ciselé avec tant de goût qu'il ne peut être que l'oeuvre de femmes. Est-ce aussi parce que cette dentelle de pierre est dominée par un rouge qui tend vers le rose? C'est particulièrement flagrant à la lumière du matin. Avant que ne déferle des hordes bruyantes de touristes en groupes, le Banteay Srei, éloigné des autres sites, s'offre dans la tranquillité aux plus matinaux! C'est ici qu'André Malraux s'est illustré dans sa pratique très particulière de l'archéologie avant d'être arrêté à Phnom Penh en possession de bas-reliefs...


Sourires d'Angkor

On prend la pose, on se cache... les facétieux vendeurs de cartes postales et livres traînent la savate aux abords des temples. C'est un rappel permanent de la situation des enfants déscolarisés mais c'est aussi une manne financière essentielle pour les familles agricoles des terres sèches environnantes. Sans pour autant leur faire cesser leurs activités, chose que les parents ne pourraient tolérer financièrement, de nombreuses ONG profitent de l'anglais acquis au contact des touristes pour offrir des rudiments culturels plus complets. Si ces activités sont fort peu souhaitables, elles sont toutefois encourageantes quand il s'agit d'une démarche honnête de vente sans harcèlement avec la pratique d'une langue étrangère (il n'est pas rare d'en entendre parler les rudiments plus qu'élémentaires de trois ou quatre langues!). La vente a pris le pas sur la mendicité agressive, le secteur informel remplace la cour des miracles. C'est un début qui permet d'accepter plus facilement tous ces sourires.
Sortie de nulle part, une tête essaye de se glisser dans un espace libre entre quatre pierres. Est-ce l'effort ou la satisfaction d'y parvenir? Notre homme arbore un sourire sibyllin... mais reste coincé.

Bantaey Kdei

Le Bantaey Kdei est de ces temples que les guides touristiques n'ont pas décrété "pure merveille incontournable" ou "must see"... et c'est tant mieux car il est peu fréquenté et il est facile d'y musarder seul et de se perdre entre deux murs enlacés par les arbres.
Les ruines offrent parfois de curieux assemblages de pierres branlantes. Certaines jonchent le sol, attendant un amateur de Lego géant. Je m'y suis essayé à partir d'une photo... je repasserai comme architecte khmer!

Bonzes et garuda...

Tous les temples d'Angkor sont peuplés de ces promeneurs colorés. Il est de bon ton pour les khmers qui "portent la robe", pour un an ou pour toujours, de venir méditer dans les ruines, tant celles issues de l'hindouisme que celles abandonnées à Bouddha. Drapés de rouge, d'orange, d'ocre et de marron, ils déambulent calmement. Un peu plus loin, un garuda d'opérette est fatigué de ses danses pour les touristes. Toujours casqué, il se pose pour une balade onirique vers le mont Méru.

Bas-reliefs d'Angkor wat

Les apsaras, concubines royales, dansent autour des armées en ordre de bataille, les démons envahissent l'univers et les hommes se perdent dans des scènes qui les dépassent... Les bas-reliefs d'Angkor sont parmi les mieux conservés de la région. Le divin s'y confronte à l'humain. Les hommes sont précipités dans les enfers bouddhistes ou se trouvent emportés dans le chaos des conflits de leurs puissantes divinités. De véritables bandes dessinées sculptées, d'aventure et d'amour, de violence et même, parfois, d'humour... Certains passages sont patinés par les mains qui caressent rêveusement ces livres de pierre.


lundi 23 avril 2007

Angkor Wat

Quel que soit l'angle, la luminosité ou le temps, Angkor Wat reste le monument le plus puissant de Siem Reap. Temple et tombeau à la fois, c'est une représentation du mont Méru, la demeure de Vishnu. En plein après-midi, sous le soleil, il apparaît comme une oasis perdue dans la sécheresse de ce mois d'avril, un mirage de pierre. Le deuxième cliché date d'octobre 2004 à 5h du matin. Les tourelles percent un ciel de fin du monde, violet et jaune: Angkor Wat se lève!

Variations pour bicyclette

Pas assez d'eau en cette saison pour aller de Phnom Penh à Siem Reap par le Ton Le Sap... Alors nous prenons un bus poussif jusqu'à ce que la rivière s'élargisse un peu. L'endroit n'est pas un embarcadère officiel et quelques enfants sont intrigués par le cortège qui s'ensable sur les rives.

mardi 17 avril 2007

S21 -2-

Des centaines de photos hantent les rez-de-chaussées des bâtiments de Tuol Seng. A leur arrivée, les prisonniers étaient méthodiquement photographiés, mesurés, enregistrés. Des dossiers sur chacun étaient établis avec précision. Tous sont morts.
Deux particulièrement ont attiré mon attention. Cet homme au regard si expressif et, par dessus tout, cette jeune femme que des tentacules d'encre menacent. Quelle meilleure illustration de l'aveuglement bureaucratique et idéologique qui caractérisent la période? De jeunes utopistes (dont certains ont poursuivi leurs études en France) s'emparent de l'idéologie communiste et la transforment pour l'appliquer avec une ferveur inédite, un zèle unique; un vaste projet qui consiste à vider les villes, abolir l'argent et ramener tous les hommes à la terre. Médecins, enseignants, lettrés de toute espèce sont éliminés; la cellule familiale est gommée pour ne laisser place qu'à une seule entité invisible et omniprésente: l'Angkar.
Cette coulée d'encre improbable sur le cliché, ce sont les bras d'une machine infernale lancée contre elle-même. Les Khmers Rouges ont construit l'oeuvre politique la plus aboutie dans son extrémisme, niant leur propre humanité. Malgré les chiffres (2,5 millions de morts pour une population de 6 millions d'habitants), il est difficile encore aujourd'hui de prendre la mesure du drame moral et de l'impact psychologique.

S21 -1-

Riche et belle histoire disais-je, mais aussi intense et dramatique. La période des Khmers rouges a bien évidemment laissé une empreinte indélébile dans les mémoires. Le camp S21 est sûrement le témoignage le plus bouleversant de la folie meurtrière mais aussi de la précision bureaucratique de la clique de Pol Pot...
Tuol Seng était un lycée. En 1975, il est transformé en prison puis en antichambre des fameux "killing fields". Les infrastructures sont celles d'un établissement scolaire, c'est encore évident aujourd'hui. Les salles de classes sont découpées en cellules étroites, en bois, et des portes en enfilade sont percées à la hâte. Les couloirs sont bardés de barbelés. Pourtant, il y a encore une cours de récréation, des frangipaniers en fleurs et le soleil étouffant qui donne de chaleureuses couleurs à l'ensemble. Tuol Seng ne mérite pas d'être représenté en noir et blanc comme souvent. C'est un camp de la mort où l'horreur devient vertigineuse parce que, justement, tout, autour est couleur et tout, à l'intérieur, rappelle l'éducation et le savoir qui ont pu y être dispensés autrefois. Le nihilisme des Khmers Rouges prend ici tout son sens et le lieu est donc chargé de symboles.

Phnom Penh monumentale

Fâché que je suis de voir des reportages misérabilistes sur le Cambodge, j'aimerais mettre mon grain de sel sur ce que peut aussi représenter ce pays. Oui, il souffre, oui la misère existe. La dénoncer à tout rompre, et de manière tendancieuse bien souvent, sans montrer ce qui donne espoir ou fierté, c'est humilier une nation entière. Certaines ONG et quelques journalistes apprécient les missions au Cambodge pour faire la chasse aux subventions ou du sensationnalisme facile... Récemment, à l'occasion de la journée de l'enfance, TV5 nous a gratifié d'un accablant reportage sur la pédophilie au Cambodge. Le journaliste s'est mis considérablement en danger en se baladant sur le quai Sisowath (les Champs-Elysées de Phnom Penh...); il interroge des enfants des rues, en caméra caché pour insister sur le caractère exceptionnel de la révélation à venir... Les bambins, paniers de livres et bouquets de fleurs à la main le harcèle de "you buy flowers?" et hop! nous y sommes, ce sont des prostitués! Évidemment, le maquereau n'est pas loin. La caméra se tourne alors vers un pauvre moto-dop (moto taxi...) qui attend un hypothétique client et ce dernier passe alors pour l'infâme esclavagiste. Affligeante démonstration mensongère qui ne tient compte ni des réalités d'un pays en voie de développement ni des efforts ou des solutions envisagées et entreprises. Pire, la vérité sordide, qui est indéniable, est enrobée et contournée...
Le précédent post présentait des moines, des jeunes et des travailleurs et non pas de pauvres estropiés ou des enfants en haillons... Ici, non pas des bidonvilles mais les vestiges d'une histoire riche et belle... un palais royal, un musée national et des trésors d'architectures inattendus. Ce n'est pas un pied de nez à la pauvreté, juste une salutaire nuance pour éviter de tomber dans une forme de mondialisme statique qui s'ingénie à trouver la pauvreté attachante à force de l'exhiber...

Dans les rues de Phnom Penh

Une colonne de bonzes filant vers le nirvana, une petite fille agrippée à un guidon de mobylette, une femme qui tangue au rythme de son palanquin... quelques impressions furtives d'une journée à Phnom Penh.

lundi 16 avril 2007

Le salaire de la peur

Nouvelle surprise une fois le Mékong franchi: la route est en travaux jusqu'à Phnom Penh. L'asphalte étroit et truffé de nids de poules a laissé place à un large champ de bataille poussiéreux. Les aventuriers se risquent sur le côté pour s'enliser cent mètres plus loin. Les conducteurs affectent la même crispation que les amateurs de jeux vidéos agrippés à leurs manettes et les passagers prient pour que celui qui arrive dans le nuage en face se range avant...
On croise de biens curieux convois sur la route. Notamment les cochons déplacés de la ferme au marché; vivants, ils sont enduits de boue pour éviter les coups de soleil... ou une cuisson prématurée.

Rédemption rouge...

Sainte famille gigotant sous le rétroviseur ou fiers soldats révolutionnaires écrasés par le soleil des-lendemains-qui-chantent... faut-il choisir son camp dans l'attente? Au final, le Salut vient d'une carcasse de bateau soviétique officiant comme ferry. On peut marcher sur l'eau grâce aux Rouges. Si, si...

Neak Luong

Retour au Cambodge, par la voie terrestre cette fois. Jusqu'à ce jour elle demeure le moyen le plus pratique et le plus économique pour gagner Phnom Penh en partant de Saïgon. Une heure du centre ville à la frontière vietnamienne (Moc Bai), une heure de formalités administratives souvent épiques et trois heures de Bavet (poste frontière cambodgien) à Phnom Penh... Voilà pour la théorie.
Quelques kilomètres avant le ferry qui permet de passer le Mékong, dans la localité de Neak Luong, j'ai soudain eu l'impression que les deux tiers de la population khmer s'étaient donné rendez-vous sur la route! D'habitude fluide, le transit par le ferry offre une pause agréable le temps du passage. L'attente excède rarement les trente minutes avec un bateau en service. Voilà que les écarts entre chaque véhicule se rétrécissent, que les files s'allongent et se gonflent... et que l'attente commence!
Minibus bondés de chair et surplombés de têtes, pick-ups vomissant bras et jambes dans l'anarchie la plus complète, tracteurs rafistolés tirant des remorques branlantes et autres motos suintantes de marchandises de toute espèces, c'est un véritable spectacle d'exode! Et au final presque trois heures de patience dans une chaleur étouffante pour franchir le fleuve.