mardi 17 avril 2007

S21 -2-

Des centaines de photos hantent les rez-de-chaussées des bâtiments de Tuol Seng. A leur arrivée, les prisonniers étaient méthodiquement photographiés, mesurés, enregistrés. Des dossiers sur chacun étaient établis avec précision. Tous sont morts.
Deux particulièrement ont attiré mon attention. Cet homme au regard si expressif et, par dessus tout, cette jeune femme que des tentacules d'encre menacent. Quelle meilleure illustration de l'aveuglement bureaucratique et idéologique qui caractérisent la période? De jeunes utopistes (dont certains ont poursuivi leurs études en France) s'emparent de l'idéologie communiste et la transforment pour l'appliquer avec une ferveur inédite, un zèle unique; un vaste projet qui consiste à vider les villes, abolir l'argent et ramener tous les hommes à la terre. Médecins, enseignants, lettrés de toute espèce sont éliminés; la cellule familiale est gommée pour ne laisser place qu'à une seule entité invisible et omniprésente: l'Angkar.
Cette coulée d'encre improbable sur le cliché, ce sont les bras d'une machine infernale lancée contre elle-même. Les Khmers Rouges ont construit l'oeuvre politique la plus aboutie dans son extrémisme, niant leur propre humanité. Malgré les chiffres (2,5 millions de morts pour une population de 6 millions d'habitants), il est difficile encore aujourd'hui de prendre la mesure du drame moral et de l'impact psychologique.

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