jeudi 31 janvier 2008

Poste de travail

Les heures passent, les copies d'élèves s'entassent. Les musiques se succèdent et les tasses de thé se vident. Insouciante de l'activité, elle somnole avec dédain sur quelques feuilles de papier et se retourne pour bouder lorsque je la pousse pour reprendre mon bien. Parfois, une patte curieuse vient s'aventurer sur l'écran. Les ronronnements tentent de rivaliser avec le jazz et les bandes originales de film...

L'exception culturelle française

Une cave dans les Mauges... Les provisions pour l'hiver gisent dans des bocaux, quelques fruits et légumes attendent le prochain repas sur une vieille table en bois. Une lumière jaune se tortille du plafond pour éclairer les casiers de bouteilles.

mardi 29 janvier 2008

Largo Winch

A peine arrivé en plein cœur de Paris, retour à Hong Kong! Le tournage du film français "Largo Winch", adapté de la bande dessinée éponyme, a eu lieu ces derniers mois entre Hong Kong et Macau. La communauté française a d'ailleurs été sollicitée pour y figurer, expérience sûrement amusante et curieuse que mes obligations éducatives ne m'ont pas permis de connaître, de justesse... Et voilà qu'à peine débarqué dans la capitale française, la tour de la Standard et de l'IFC me sautent aux yeux. Des affiches quatre mètres par trois annoncent déjà la sortie du film l'année prochaine. Le quartier de Central, si souvent arpenté ces derniers mois, au beau milieu des couloirs du métro parisien... Curieuse sensation: où suis-je chez moi?

dimanche 27 janvier 2008

Demain l'hiver...

Après cinq années passées sous les tropiques sans connaître les rigueurs du froid -autres que les conditions climatiques déplorables qui ont affligé la France ces deux derniers étés- le retour sur le sol natal en plein mois de décembre était appréhendé. A juste titre. Sans le concours calorique des civets et autres gigots (paix à leur âme), aurais-je survécu? Aurais-je tenu le coup sans les monceaux de victuailles et les sempiternels repas qui commencent à 11h pour finir six à sept heures plus tard avec cette phrase assassine: "On fera léger pour ce soir, juste un peu de charcuterie et de fromage." Aurait-il été possible de résister sans l'apéro maison, l'apéro de l'oncle, "ce-petit-truc-à-vous-faire-goûter", les bulles, les blancs sur rouges et même les rouges sur blancs, les trous normands, les digestifs à répétition qui épuisent le verger hivernal du grand-père et les gouttes qui font déborder la tasse à café de ceux qui n'en boivent pas... ou alors juste un fond.
Dès la sortie de l'avion, à 6h du matin par un -7° de rigueur, toutes les extrémités sont saisies d'effroi. Le nez, les oreilles et les orteils se souviennent qu'ils existent avec une conscience douloureuse de leur vulnérabilité. Les sensations deviennent aigües et acérées, les sens se développent... Chaque pore de ma peau est aux aguets, chaque son est démultiplié et décuplé dans mon cerveau, les nerfs se solidifient et entrent en compétition avec les muscles: je commence à trembler. Les heures de léthargie dans l'avion s'évanouissent soudainement pour laisser place à la réalité. Je regarde derrière moi avec envie, le cocon de la carlingue, douillet malgré la climatisation. Le froid distribué par les machines n'a rien à voir avec ce froid-là, naturel, qui enveloppe et transperce jusqu'au tréfonds ses victimes. Le constat est limpide: que fais-je ici?
L'hiver, c'est une panoplie d'impressions nouvelles. Un canal gelé et des pierres qu'on lance sur la glace pour s'étonner de son épaisseur. De la fumée de dragon qu'on exhale, ectoplasme frigorifié, en de longues trainées blanches. Les lunettes embuées qu'on se refuse à enlever avec fatalisme quand on rentre dans la chaude maisonnée et qui diffractent les lumières colorées du sapin de Noël. Les vêtements posés sur le radiateur, qu'on enfile avec un sourire béat. Le vin chaud à la cannelle qu'on boit, les jours du marché, les deux mains autour du gobelet en plastique en écoutant les éternelles plaintes du commerçant. L'herbe qui crisse gravement sous les chaussures. Les dégradés d'acier bleuté et de cendres blanchies qui ternissent le ciel des aquarelles de Turner. Les orteils qu'on retire des chaussettes, en les observant avec circonspection pour savoir s'ils sont toujours attachés au corps. Les dessins qu'on laisse en cachette sur les vitres et les miroirs grisés de condensation. Les draps froids et la couette épaisse, ultimes réconforts pour s'assurer qu'on est encore vivant, lorsque le corps les réchauffe et tisse un cocon pour la digestion. Le regard implorant qu'on lance sur le réveil, quelques heures plus tard, alors qu'il faut sortir le bras de ladite couette pour l'éteindre. Et la nuit, presque toujours la nuit, avec parfois ces nuances de gris qu'on appelle journée hivernale.

jeudi 24 janvier 2008

Archives d'Anjou

Et maintenant, une page de publicité! Non sans une certaine fierté, je viens de voir ma première publication historique paraître... Issu de mes recherches de maîtrise sur la vie culturelle et artistique à Cholet dans l'entre-deux-guerres, cet article s'intéresse tout particulièrement au cinéma. L'étude propose, en 17 pages, de plonger dans la ville de province entre 1918 et 1940, à la découverte des balbutiements du cinématographe comme culture de masse; il y est question de l'installation des premières salles de projection, des rivalités entre programmations paroissiale et laïque, de l'arrivée du parlant, et de bien d'autres aventures... Le tout se voulant une illustration révélatrice de la conquête de la province française par le 7e art à cette époque.
Les curieux pourront découvrir le sommaire de la revue et les autres articles sur
http://archivesanjou.free.fr/Publications/Revue11.html, tandis que les plus mordus pourront se procurer ce bel ouvrage dans les librairies et maisons de la presse du Grand Ouest ou sur commande.

My blueberry nights

Une nouvelle critique sur http://www.hkcinemagic.com. Elizabeth (Norah Jones) est une jeune femme dans la tourmente d’une rupture amoureuse. Elle échoue dans un bar de banlieue new-yorkais et se lie d’amitié avec le patron, Jeremy (Jude Law). Reprenant goût à la vie et aux desserts du cuistot (la fameuse blueberry pie), elle décide de partir dans une traversée des Etats-Unis qui se révèle évidemment être un périple initiatique.
http://www.hkcinemagic.com/fr/express.asp#1714

mardi 22 janvier 2008

Le temps des cathédrales

Autres temps, autres moeurs. Autre démesure architecturale... Les pavés froids et irréguliers remplacent le faux marbre rutilant, les publicités aguicheuses cèdent la place au chemin de croix peint avec austérité et les mannequins parés de marques se statufient de grâce royale et sainte... un livre de pierre s'ouvre sur le temple de la consommation. Du shopping mall de Prince building à la cathédrale d'Amiens, il y a 24h à peine et pourtant plusieurs siècles; il y a 12 000 km et j'ai pourtant marché si peu.

lundi 21 janvier 2008

Central blues

La ville soupire. Entre deux banales tours en verre qui reflètent une lumière déclinante, les rues traversières sont déjà dans la pénombre. Un homme boit son café, les yeux perdus entre les motifs de la vitre et des îles paradisiaques... ou un dernier dossier au bureau, qui sait? En bas, de la fumée s'échappe des coulisses d'une tour, dans l'une de ces ruelles que personne n'emprunte ni ne regarde; quelques machineries exhalent après une journée de travail. L'homme souffle sur son café.

samedi 12 janvier 2008

Pandi Panda...

Plus léger... le sujet des pandas. Ils sont partout, du porte-clé à la casquette en passant par les pantoufles et les sucreries: Ying Ying, Le Le, Jia Jia et An An! Ce sont les vedettes d'Ocean Park, un vaste complexe d'attractions qui mêle manèges à sensations fortes, zoo et parcours vert pour les promenades dominicales. "L'ours-chat", en chinois, est une affaire sérieuse; on se presse pour l'admirer et l'animal est considéré comme une icône. Le gouvernement a choisi le panda comme mascotte des prochains Jeux Olympiques et les deux derniers spécimens arrivés à Hong Kong, le 1er juillet 2007, sont des cadeaux de Pékin pour fêter les 10 ans de la rétrocession...
La légende rapporte qu'il y a bien longtemps, les pandas étaient blancs. Ils vivaient avec les humains et partageaient avec eux certaines activités. Un jour, on annonça un deuil; les pandas s'y rendirent donc. Comme de coutume dans les campagnes chinoises, ils portaient des cendres dans leurs mains. A leur arrivée, ils s'aperçurent que c'était une petite fille qu'on enterrait. Ils pleurèrent beaucoup, séchèrent leurs larmes avec leurs poings pleins de cendres, se prirent dans les bras pour se consoler et, enfin, se bouchèrent les oreilles pour ne plus s'entendre gémir... Les traces de cendres restèrent à jamais.
Aujourd'hui, c'est de leur survie dont il est question. Les rapports scientifiques, plus prosaïques et plus pointus rendent régulièrement compte de l'état de santé de cet animal qui pourrait légitimement passé pour le plus crétin de toutes les espèces animales. En effet, l'évolution de l'espèce suit un curieux chemin; omnivores, les pandas sont peu à peu devenus insectivores puis, plus récemment, herbivores. Tout le contraire du cheminement habituel qui pousse à la diversification pour survivre. Le comble, c'est qu'ils ont jeté leur dévolu sur une espèce de bambou bien particulière (dont ils peuvent consommer jusqu'à 20kg par jour) qui fleurit tous les 60 ans et n'est pas comestible à cette période... C'est-à-dire cette année dans la plupart des régions.
Autre détail, ces charmants quadrupèdes rechignent à se reproduire. Les zoos tentent par tous les moyens, y compris les plus insolites, de les stimuler; on les protège dans les grands parcs nationaux pour favoriser la pérennité de l'espèce... mais rien n'y fait. La population décline lentement du fait de son apathie.

Falun Gong

Retour sur Terre et aux réalités hongkongaises. Quelques photos morbides montrant des corps torturés, des panneaux de textes et de chiffres, des banderoles colorées, quelques personnes distribuant des tracts... Il est fréquent de croiser, dans les rues commerçantes de Causeway bay ou à la sortie du Star ferry, de petits attroupements organisés par le Falun Gong. Quelques fois par an, ces petites démonstrations prennent même la forme d'immenses défilés dans les rues centrales. Les traductions en anglais permettent vite de comprendre la rébellion contre le Parti Communiste Chinois (PCC).
Le Falun Gong est un mouvement spirituel chinois, fondé en 1992 par Li Hongzhi. Plus exactement, c'est un qigong (un travail du souffle) et un art énergétique rattaché à la médecine traditionnelle. Cette organisation mêle donc des notions de taoïsme et de bouddhisme pour aider au développement personnel. Les trois valeurs clés sont l'authenticité, la bienveillance et l'endurance. Rien de bien méchant jusque là. Rapidement cependant, beaucoup d'opposants au régime et de Chinois à la recherche d'une nouvelle forme d'épanouissement ou d'expression s'y sont engouffrés. En 1999, le Falun Gong comptait peu ou prou 70 millions de membres et faisait concurrence au Parti Communiste en tant qu'organisation sociale. Le gouvernement a donc accusé le mouvement d'être une secte, hérétique de surcroit. Pour caricaturer du point de vue occidental, c'est comme si une association de yoga devenait une menace pour l'existence de l'UMP...
Avec les années, l'affaire est devenue un inextricable sac de noeud. Ils seraient selon eux 200 millions ou 2 millions selon le PCC. Il n'y a qu'un maître et pas de hiérarchie selon eux ou une organisation très structurée selon le PCC. C'est une pratique libre, gratuite et publique selon le fondateur alors que le PCC l'accuse de cacher complots, enrôlement mental et financier. Les membres parlent de "nature du coeur et de l'esprit" et le PCC les accuse de croire à des extra-terrestres aux pouvoirs supra-normaux. De simple mouvement spirituel, le Falung Gong est devenu organisation politique et sociale, refuge des opposants. Le journal Da Ji Yuan est une tribune pour les dissidents et la résistance a beau être pacifique, elle se fait avec des moyens modernes et offensifs (sites Internet, piratages de chaines régionales, etc.). L'un des combats actuels n'est rien de moins que la dissolution du PCC!
Hong Kong est un refuge pour cette organisation, maintenant persécutée et sévèrement réprimée en Chine Populaire. C'est encore une illustration des contrastes de ce qu'on appelle la Special Administrative Region. Nous sommes en Chine mais pas tout à fait; on peut user ici de droits qui sont interdits sur le continent. Le mouvement Falun Gong l'a bien compris puisque l'île est un avant-poste pour rendre son combat public.

jeudi 10 janvier 2008

Plongée de nuit

La nuit tombe, la marée est haute. Il est l'heure de s'équiper. Bouteilles, Bcd, combis et masques, palmes et plombs... nos trois ombres maladroites sous le poids de l'harnachement, se détachent sur le rivage faiblement éclairé. L'étendue sombre est un abîme devant nous... Et quand bien même ce n'est pas la première expérience de plongée nocturne, il y a comme une fascination mélangée d'appréhension face à l'univers serein et mystérieux qui s'offre à nous. Quelques dizaines de mètres en surface puis nous nous enfonçons dans l'obscurité liquide. La torche diffuse un cône voilé et limité, rapidement la seule et unique source de lumière. On devine le rayon du voisin qui disparaît rapidement si l'on s'éloigne un peu. C'est en rang serré que nous poursuivons.
La lumière balaye un sol sablonneux. De ci de là, un poisson s'agite, s'enfuit ou, au contraire, vient surveiller quelle est cette étrange source de clarté. Les couleurs sont différentes, les sensations plus aiguës mais aussi plus oppressantes; l'immensité est réduite à un bien maigre faisceau lumineux. Même le silence se charge d'une pesanteur différente; nos expirations régulières, seuls sons véritablement audibles, en deviennent inconvenantes...
Éteindre la torche et regarder le néant dans l'apesanteur de l'eau est une autre expérience inoubliable. C'est aussi l'occasion de se livrer à une observation amusante: en agitant rapidement les mains dans le vide... le plancton devient luminescent! Un nuage éphémère de minuscules lucioles aquatiques s'ajoute à l'onirisme du spectacle.
Et soudain, le sol se dérobe à notre vue, le pinceau de lumière se perd dans l'encre. Une falaise s'enfonce dans les profondeurs; c'est un magnifique tombant... surpeuplé! Faune et flore s'agitent en tout sens. Un léger courant nous entraîne le long de ce panorama; en adoptant la position du ludion (qui procure équilibre et stabilité) c'est comme si nous nous engoncions dans de confortables fauteuils. Le paysage défile à un rythme paisible et nos lumières embrasent des tableaux naturels où tortues, crabes, poissons clowns et autres portes-enseignes jouent et maraudent au milieu d'anémones multicolores et de coraux aux ombres devenues démesurées.

mercredi 9 janvier 2008

Wanted...

Une affichette jaunie sur un arbre, un nom hispanique, un physique de guérillero mexicain et une pose carcérale. Que fait cet échappé de la bande de Pancho Villa aux Philippines? A y regarder de plus près, cet individu n'est pas recherché par la police: il se présente aux élections locales. Son nom évoque les 377 ans de domination espagnole (de 1521 à 1898); la plupart des Philippins portent encore des patronymes ibériques. Sa candidature rappelle une autre période de l'histoire philippine, un peu moins connue et pourtant plus récente: les Espagnols ont vendu l'archipel aux Américains en 1898 et jusqu'en 1946, les Philippines sont restées sous le joug de l'oncle Sam. La constitution républicaine du pays est aujourd'hui presque entièrement calquée sur celle des Etats-Unis.

La sirène des tropiques

Même au milieu de nulle part, les rencontres sont parfois surprenantes... En musardant sur la plage, nous sommes tombés sur un groupe de transgenres philippins; l'équivalent des katoy thaïlandais... Il semble qu'ici aussi ce phénomène social et culturel soit assez répandu. Ces jeunes garçons sont souvent des travestis mais un grand nombre devient transgenres ou transsexuels. En Thaïlande, l'opération coûte relativement peu cher (on parle de 3000 euros pour une transformation totale) et la société les accepte ouvertement et relativement bien. A en juger par l'ambiance sur cette plage de Cebu, il semble en être de même aux Philippines.

Moalboal - Cebu

De retour d'un séjour français orgiaque et frigorifique, il me semble opportun de se réchauffer avec quelques images d'un week-end passé aux Philippines, à la fin du mois de novembre dernier. Véritable morceau d'Eden à quelques heures de vol de Hong Kong, l'île de Cebu est réputée pour ses coins de plongée. Et perdu sur la côte Ouest, Moalboal est le village de pêcheurs que nous avions choisi comme paradis aquatique et terrestre.