jeudi 4 octobre 2007

Au banquet des chasseurs

C'est avec un dédain goguenard, il est vrai, que j'ai abordé la Picardie pour la première fois. Mornes plaines de betteraves à sucre, chasseurs dégénérés et alcooliques faisant insultes à la théorie de l'évolution, industries en friches non loin de maisons délabrées peuplées de chômeurs, bref, un paradis de la beauferie et du kitsch glauque de la France du troisième sous-sol. C'est, certes, quelque peu condescendant, mais il faut reconnaitre que je n'ai pas été contredit partout... Si mon impression globale est plus, aujourd'hui, celle d'une ruralité agréable (et estivale), c'est parce que j'ai séjourné dans la baie de Somme. Mes incursions sur Amiens et sa région m'ont sidéré: n'aurait-on pas mieux fait de laisser ces territoires aux Anglais lorsqu'ils les possédaient? Pourquoi les poilus y ont-ils creusés des tranchées pour défendre un si piètre morceau de France? Sur ces considérations historiques, quelques monuments impressionnent mais l'atmosphère n'y est pas. L'aristocratie de province vomit avec ostentation des demeures cossues sur une pauvreté aux cheveux gras, obèse par la malnutrition et au langage abimé par le manque d'éducation. De l'alcool, beaucoup d'alcool; du tunning et des volants en moumoutes sur les voitures. Il y a les mêmes dans mes contrées d'Anjou et partout ailleurs en France mais, renseignements pris, les statistiques nationaux alarmants mettent bien en évidence la concentration de ce genre de phénomène en Picardie et dans le Nord... De bonnes âmes ont tenté de me démontrer que les chasseurs, cibles privilégiées de mon acrimonie en ces lieux, étaient des amoureux de la nature incompris. Lors de ma première balade à pied dans les forts jolis prés salés, il se trouve qu'un inconscient ministre avait eu l'idée saugrenue de repousser de quelques jours l'ouverture de la chasse... Alors ils étaient là, l'oeil mauvais et le fusil dans les mains, bravant l'interdiction par leur présence, à écumer de banales variations autour du "tous pourris". Le panneau de transport scolaire atteste de leur extrême finesse. Pour être juste, il y a les autres, qu'on ne voit pas. Ils chassent dans des huttes qui se louent une fortune, paient chers leurs droits et prennent soins de ne tuer, forts de leurs connaissances, que les animaux présents en nombre. Effectivement, à entendre ces derniers, ce sont des amoureux de la nature (on peut tout de même en douter quand il est question d'un droit aussi primitif); mais là encore, un fossé social phénoménal existe. Au final, passé l'humour sur ces sujets manqués de la reine d'Angleterre, c'est un constat naïf qui s'impose; dans ces régions nombre de Français sont en marge du développement économique, du bien-être et de l'éducation. J'ai beau l'enseigner avec des tableaux de chiffres... c'est une réalité qui fait toujours aussi mal à l'idéal républicain.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Retour sur l'image, je comprends pas pourquoi les lois prises sous Vichy, comme celle qui régule les débits d'alcools sont encore opposable, ne dit-on pas que ce régime n'a jamais eu de légalité juridique et républicaine?
Quant à l'ensemble du blog, oui, moi jeune citadin, j'aime bien voir ces campagnes "carte postale", je dois être un peu conservateur sur le fond...