mercredi 23 avril 2008

Japonisme et franponais

Environ 6,5 millions d'étrangers passent au Japon chaque année... C'est relativement peu. Pour comparer, 80 millions de visiteurs ont arpenté la France en 2007 et 15 millions ont parcouru la Thaïlande. Sur les dix premiers pays à fréquenter le Japon, six sont asiatiques (Chine, Taiwan, Corée, Hong Kong, etc.) et les quatre autres sont anglo-saxons (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni...). L'Europe est donc très faiblement représentée dans les statistiques du tourisme nippon.
Et pourtant... le pays du soleil levant est bien ancré dans les esprits européens; bien plus et bien mieux que dans les consciences bovines de certains visiteurs sexagénaires, venus trainer en troupeaux bruyants, leurs comptes en banque et leur ignorance crasse. De aïkido à zen en passant par geisha, sumotori, kimono, samouraï et sushi... mais aussi shinkansen, shinto, origami, hara-kiri, sake, manga, sakura et autres Totoro, Meiji, Astroboy... le Japon brasse myriades de rêves orientaux, d'images plus ou moins déformées. Ce sont des notions profondes, des loisirs créatifs, des traditions ancestrales ou des habitudes de civilisation, des traits culturels. C'est la preuve d'une identité forte et ancienne dans laquelle les vieilles puissances européennes trouvent un écho. Car cette empreinte souvent phantasmée n'est pas récente. Au XVIe siècle, François-Xavier et quelques missionnaires jésuites avaient déjà pu s'étonner de l'inertie de la civilisation nippone. Au XIXe siècle, alors que les colonies sont culturellement méprisées et la valeur de leurs civilisations presque ignorée, on apprend à découvrir cet étrange Empire replié sur lui-même. Au début du XXe siècle, le japonisme est à la mode, particulièrement en France, grâce aux influents collectionneurs d'art (Guimet, Clemenceau...) et des artistes inspirés par la pureté des styles (Monet, Klimt...). Encore aujourd'hui donc, peu d'Européens parcourent le pays mais tout le monde garde un coin de Japon dans sa tête.
Et les Japonais le rendent bien. De discussions en observations, l'occupation américaine après la Seconde guerre mondiale semble finalement avoir laissé peu de traces dans la culture nippone. Peu si l'on compare à l'admiration que suscite l'histoire et les civilisations européennes et, disons-le, tout spécialement la France. Les œuvres d'art européen, parmi les plus belles, de la fin du XIXe jusqu'à la moitié du XXe, sont au Japon; dans les dizaines de musées qui regorgent de trésors (cf. musée Ohara à Kurashiki). Dans les rues, il est difficilement possible de faire quelques centaines de mètres sans lire l'accroche d'un magasin en français. Quelques mots suffisent à donner une idée de luxe ou de prestige... quitte à ce que les mots en question, bizarrement associés, ne veuillent rien dire du tout! Ce site recense de nombreux exemples désopilants de "franponais":
http://npu4.free.fr/dotclear/index.php?Les-enseignes
A tel point que l'ambassade de France à Tokyo a ouvert un service à l'attention des Japonais pour, entre autres, corriger leurs noms de boutiques et les aider à mieux baptiser leurs échoppes... Vestige de la France éternelle de De Gaulle? Quoi qu'il en soit, être Français est encore perçu comme valorisant sur l'archipel nippon...

4 commentaires:

Bui Doi a dit…

Tu écris "être Français est encore perçu comme valorisant sur l'archipel nippon..." comme mettant bout a bout les impressions fugaces et stéréotypées que Japonais et Français cultivent les uns pour les autres en un beautiful world fantasmé.
Mais je modèrerai le propos : combien de fois ai-je vécu cette situation où un(e) Japonais(e) s'adressant à moi lors d'une soirée, et me demandant d'où je pouvais bien venir, ne fit qu'une moue polie devant ma francité.
Les réactions des mêmes à l'évocation de l'Amérique, des Yankee blonds et baraqués sont tout autres : on voit l'œil qui brille et les horizons s'étendre...
Alors, oui, peut être que le prestige ne se communique qu'entre gens de goûts, mais encore faut-il qu'ils aiment l'impressionnisme !

François Drémeaux a dit…

Ce n'est ni fugace ni stéréotypé... prendre le temps d'analyser ne requiert pas nécessairement la longueur d'une vie sur place. S'il est vrai que l'amour d'une certaine France se cultive dans les milieux aisés, l'admiration pour une Amérique bodybuildée de blockbusters a rapidement ses limites. Elle est superficielle et clinquante. C'est un regard étroit sur la superpuissance mondiale du moment, du même genre que celui qu'on porte sur elle dans tous les pays. Il y a un autre degré de francophilie chez les Japonais; il se trouve sur les devantures des magasins ou sur le visage de l'étudiant venu visiter l'exposition sur ces fameux impressionnistes. Refuser cette connivence culturelle pour le "vulgum pecus"... c'est aussi faire preuve d'un élitisme pas toujours bien placé.

Scrap-trotteuse a dit…

plus terre à terre j'ai adoré le site des franponitudes ;-)

Anonyme a dit…

Excellent le franponais mais le japlish est terrible aussi.