mardi 30 octobre 2007

Blade Runner

Le toît du lycée français offre un point de vue inédit sur la skyline...
Le soleil vient de se coucher, les dernières lumières irradient la couche de pollution particulièrement épaisse en cette fin de journée. Les gratte-ciels commencent leurs fantaisies nocturnes. Cette fois, c'est une vision assez peu glorieuse de l'urbanisme triomphant, l'image d'une fin de règne et d'une décadence annoncée. En cherchant d'où me vient cette idée, je repense à un plan de Blade Runner qui baigne à peu près dans la même lumière ocre de fin du monde, à peu près dans les mêmes matières où règnent l'acier et les néons, à peu près dans la même mélancolie urbaine.

lundi 29 octobre 2007

Lycée français Victor Segalen

La rue Pham Ngoc Thach est bruyante et poussiéreuse. Les motos débordent sur les trottoirs tandis que les élèves achètent des "che" à une marchande ambulante. Des "xe om" attendent patiemment le client, allongés sur leur moto, un mégot entre les doigts. L'école française Colette de Saigon est engoncée au bout d'une ruelle; quatre mois après l'avoir quittée, son souvenir est déjà habité d'un charme désuet; les nombreuses galères quotidiennes s'estompent et le sépia habille la vivacité et parfois la violence de l'environnement.
Le lycée français Victor Segalen (pour les curieux: http://victor.segalen.free.fr/biosegalen.htm) est une barre posée au beau milieu d'une vallée verdoyante, légèrement en retrait du cœur de Hong Kong. La Wong Nai Chung Gap road grimpe jusqu'à l'établissement, c'est une deux fois deux voies parcourue par de puissantes voitures et d'énormes bus... Nature et urbanisme se côtoient et dégringolent ensemble jusqu'à l'océan. Du règne de la première on passe à l'emprise du second; cette gestion de l'espace végétal au sein d'une mégalopole, cette rupture entre le vert et l'acier n'ont pas fini de m'étonner.

mercredi 24 octobre 2007

The sun also rises

Pour son retour derrière la caméra, Jiang Wen livre une oeuvre singulière et poétique divisée en quatre parties, parcourant plusieurs décennies et la Chine populaire, à travers les yeux d'une jeune mère prise d'une douce folie, un professeur accusé de perversion ou encore un intellectuel devenu chasseur pour une communauté de paysans. Le fil rouge de cette fresque onirique est un jeune homme qui en apprend peu à peu sur ses origines... Pour en savoir plus sur ce coup de coeur cinématographique, je vous invite à lire ma critique à cette adresse:
http://www.hkcinemagic.com/fr/express.asp?fid=9752
A cette occasion, vous découvrirez un excellent site sur le cinéma de Hong Kong et le cinéma asiatique en général: http://www.hkcinemagic.com
Bonne lecture!

mardi 16 octobre 2007

Gare de Gênes

Protéger la jeunesse pour qu'elle ne s'éloigne pas du droit chemin, voilà une mission de première importance pour des conservateurs peureux et retardés. Et les chrétiens le savent bien depuis Ève, il faut commencer par surveiller la féminine engeance. Sur son site Internet, cette association s'inquiète de "l'instabilité et de la mobilité croissantes des jeunes filles" et martèle, il faut qu'un "esprit commun naisse d'un profond enracinement dans le Christ et son Évangile". C'est pour cette raison que cette association étouffée par son modernisme et ses élans progressistes racole dans les gares pour apprendre aux jeunes filles à devenir des femmes dans la paix du Christ. J'en frissonne encore...

lundi 15 octobre 2007

Stroppiana

Vaguelette urbaine sur la rectitude de l'horizon rizicole, le petit village de Stroppiana. C'est la campagne piémontaise. Les rizières à perte de vue... finalement, ça ne dépayse pas du Vietnam. A part qu'il fait froid cet été. Qu'est-ce qui aurait bien pu, naturellement, me pousser à venir me perdre ici? C'est un bourg joli avec son minimum syndical d'églises baroques, soit une au bout de chaque rue... mais c'est à peine indiqué sur les cartes et toutes les routes semblent vouloir contourner ces villageois oubliés dans les années 50; un petit vieux en marcel attend le passage d'une voiture sur la pas de sa porte, une veuve de caricature chemine en rasant les murs, quelques enfants en shorts avec les chaussettes remontées jusqu'au genoux jouent au ballon devant un café. Cette atmosphère délicieusement désuète s'installe plus encore à l'arrivée dans le demeure familiale de mes amis très chers. Rouverte après plus de deux décennies d'absence, l'habitation est figée dans une autre époque. Une incroyable nostalgie se dégage de ces murs épais et séculaires; c'est un décor de cinéma avec une âme.

vendredi 12 octobre 2007

Lac d'Orta

N'en déplaise à Mort Schuman, il ne neigeait pas sur le Lac Majeur... Et la célébrité a grignoté le romantisme des lieux depuis bien longtemps. Il reste quelques hôtels qui déploient d'étonnantes marquises Art Nouveau, souvenirs d'une fastueuse époque; le béton a gagné sur la plupart des rives. Son voisin, le lac d'Orta, plus petit et moins fréquenté, a plus de cachet. Les ruelles serpentent jusqu'aux rives dans un dégradé de façades ocres; les bâtisses médiévales se reposent sur celles du XVIIIe. Ce lac est également célèbre pour son île monastère: l'église est un joyau baroque à la gloire du catholicisme triomphant au milieu de l'austérité monacale qui sied à la règle de Saint-Benoît...

lundi 8 octobre 2007

Turin

Un saut par dessus les Alpes... et c'est le Piémont. Turin a mauvaise presse comparée à ses consœurs vénitienne, florentine ou napolitaine. Le pouvoir évocateur de ces villes nous rapproche de l'art et de l'histoire, d'un raffinement italien de carte postale. A priori, Turin, c'est un morceau de tissu du XIIIe siècle avec le visage d'un homme mort treize siècles plus tôt, le suaire; et une marque d'automobile, FIAT, dont l'un des produits phares a longtemps été un animal lent et massif, fainéant et régressif du point de vue de l'évolution , à savoir le Panda... C'est en réalité une ville dynamique, surprenante par son étendue et la richesse de son patrimoine architecturale. Son musée des antiquités égyptiennes est parmi les cinq premiers du monde; tandis que le rez-de-chaussée s'enorgueillit d'une muséographie moderne et didactique, les étages fleurent bon l'accumulation savante et désuète sur des parquets qui grincent et des vitrines aux feutrines usées et décolorées. Le symbole de Turin, peut-être moins connu, c'est la mole Antonelliana. C'est à l'origine une synagogue que son architecte, trop ambitieux, a transformé en cauchemar et gouffre financier. Commencé en 1863, l'ouvrage est passé de 47 mètres à 163 mètres sur le papier... dans les faits, la pérennité de l'œuvre a été remise en question par un tremblement de terre puis, en 1953, par un terrible orage qui fit dégringoler plus de 40 mètres de la flèche. Un peu comme la tour de Pise, la mole est une aberration architecturale qui a du succès. Aujourd'hui, elle abrite un musée du cinéma très bien mis en scène et, surtout, un ascenseur en verre suspendu dans le vide qui permet de monter les 167 mètres...

Marseille

Un peu avant 6h du matin. La grande et fameuse volée de marches de la gare Saint-Charles est déserte. Marseille se réveille dans la douceur estivale, nappée d'une chaude couleur orangée.

Vacances ferroviaires

La littérature est abondante sur les salles des pas perdus, les "au revoir" déchirants sur les quais et les retrouvailles bouleversantes un peu plus loin. Les huis-clos à suspens dans les compartiments et les mauvaises rencontres entre deux wagons donnent lieu à des scènes de films innombrables. La gare et le train sont des lieux qui travaillent l'imaginaire car l'idée de déplacement n'est jamais anodine... Les mélanges sont improbables et, pourtant, des populations bigarrées partagent silencieusement un objectif pendant un cours moment. Peu importe la destination, le train est un voyage plus qu'un transport.

Air Trance

Cholet. Rue nationale. Une agence de voyage. Je suis passé devant pendant des années. Plusieurs fois par jour même. C'est seulement en devenant étranger à ma propre ville que je la redécouvre l'été. Et c'est ainsi pour beaucoup de choses; du coup j'ai pensé qu'il faudrait y revenir avec un oeil et un objectif plus attentifs. L'été passe vite et je me contente pour le moment de cette promesse d'envol bien amusante...

jeudi 4 octobre 2007

Tatie Danielle

Elle était seule, emmitouflée dans une parka démodée sous un "bob" hors d'âge. Les pieds mollement posés sur le sol, elle occupait une petite partie de ce banc trop grand pour elle. Un banc qui semblait être apparu avec elle, seul au milieu de la plage de galet. Il y avait du monde pourtant, ailleurs. Sur l'esplanade plus loin, dans les jardins d'enfants et dans la rue commerciale où les vendeurs de glace et de T-shirts fleuris séduisaient les touristes. Elle était loin de toute cette agitation et le ressac de la mer couvrait le tumulte de cet autre monde. son regard ne balayait pas l'horizon, elle fixait juste un point précis, très loin.

Le Tréport

Ces toits d'ardoises qui se pressent contre le flanc des falaises ont fait ressurgir une image de roman ou de film venue de je ne sais où... L'hiver sur le même village, avec des colonnes de fumées qui s'échappent des cheminées, un tapis de neige pour toute nature et des bateaux en bois sortant lentement du port. Un personnage, sur la falaise, regarde avec envie l'horizon...

La baie de somme

Sous les tropiques, il est rare d'avoir les mêmes cieux qu'en Europe. Les nuages et leurs formes, la lumière et son intensité, tout prend un visage bien différent. Plutôt que les flamboyants couchers de soleil exotiques, finalement assez rares et plus souvent occultés par le ciel bas, gris et lourd des saisons des pluies, c'est en Picardie qu'il m'a été donné d'assister à l'un des plus beaux déclins lumineux de ces derniers temps...

Le cimetière chinois

Pleine campagne picarde, au milieu des champs de betteraves à sucre. Un cimetière. Chinois. Ce sont les corps de plus de 1700 indigènes des colonies anglaises, principalement des terrassiers, morts de maladie entre 1914 et 1918. L'armée britannique leur faisait creuser ces fameuses tranchées de la Première guerre mondiale. Aujourd'hui et depuis bien longtemps, le Commonwealth entretient ce petit morceau d'Empire, fleuri et vert.

Noyelles-sur-Mer

Évidemment, après toutes ces considérations sur la Picardie, on pourrait penser que c'est sans appel. Pourtant, à y regarder de plus près, quelques balades champêtres à vélo et une ou deux marches dans le bourg d'un village réveillent une nostalgie assez "vieille France". Des ruelles fleuries, des maisons usées par le temps, un clocher modeste, une petite gare de province, un placard publicitaire oublié par les années 50, un petit vieux sur le seuil de sa porte... Pas de doute, je suis en France; mais une France de carte postale, fantasmée autant par les étrangers que par ceux qui s'éloignent de ce bercail trop longtemps. C'est le dépaysement en territoire conquis.

Au banquet des chasseurs

C'est avec un dédain goguenard, il est vrai, que j'ai abordé la Picardie pour la première fois. Mornes plaines de betteraves à sucre, chasseurs dégénérés et alcooliques faisant insultes à la théorie de l'évolution, industries en friches non loin de maisons délabrées peuplées de chômeurs, bref, un paradis de la beauferie et du kitsch glauque de la France du troisième sous-sol. C'est, certes, quelque peu condescendant, mais il faut reconnaitre que je n'ai pas été contredit partout... Si mon impression globale est plus, aujourd'hui, celle d'une ruralité agréable (et estivale), c'est parce que j'ai séjourné dans la baie de Somme. Mes incursions sur Amiens et sa région m'ont sidéré: n'aurait-on pas mieux fait de laisser ces territoires aux Anglais lorsqu'ils les possédaient? Pourquoi les poilus y ont-ils creusés des tranchées pour défendre un si piètre morceau de France? Sur ces considérations historiques, quelques monuments impressionnent mais l'atmosphère n'y est pas. L'aristocratie de province vomit avec ostentation des demeures cossues sur une pauvreté aux cheveux gras, obèse par la malnutrition et au langage abimé par le manque d'éducation. De l'alcool, beaucoup d'alcool; du tunning et des volants en moumoutes sur les voitures. Il y a les mêmes dans mes contrées d'Anjou et partout ailleurs en France mais, renseignements pris, les statistiques nationaux alarmants mettent bien en évidence la concentration de ce genre de phénomène en Picardie et dans le Nord... De bonnes âmes ont tenté de me démontrer que les chasseurs, cibles privilégiées de mon acrimonie en ces lieux, étaient des amoureux de la nature incompris. Lors de ma première balade à pied dans les forts jolis prés salés, il se trouve qu'un inconscient ministre avait eu l'idée saugrenue de repousser de quelques jours l'ouverture de la chasse... Alors ils étaient là, l'oeil mauvais et le fusil dans les mains, bravant l'interdiction par leur présence, à écumer de banales variations autour du "tous pourris". Le panneau de transport scolaire atteste de leur extrême finesse. Pour être juste, il y a les autres, qu'on ne voit pas. Ils chassent dans des huttes qui se louent une fortune, paient chers leurs droits et prennent soins de ne tuer, forts de leurs connaissances, que les animaux présents en nombre. Effectivement, à entendre ces derniers, ce sont des amoureux de la nature (on peut tout de même en douter quand il est question d'un droit aussi primitif); mais là encore, un fossé social phénoménal existe. Au final, passé l'humour sur ces sujets manqués de la reine d'Angleterre, c'est un constat naïf qui s'impose; dans ces régions nombre de Français sont en marge du développement économique, du bien-être et de l'éducation. J'ai beau l'enseigner avec des tableaux de chiffres... c'est une réalité qui fait toujours aussi mal à l'idéal républicain.

lundi 1 octobre 2007

Retour en France

Retour en France. Retour vers la douceur angevine, ma cité des Trois Provinces, capitale d'un mouchoir de poche rouge sang et d'une Vendée militaire sans gloire. Retour en famille et en enfance.
Retour également... à Paris. Un étonnant séjour de découvertes jubilatoires. Escapades nocturnes à vélo, marches effrénées dans les rues pour échapper au jour et refaire le monde. De nouveaux sons, de nouvelles images, de nouvelles idées... depuis les squats iconoclastes d'artistes branchés jusqu'au zinc rutilant du Bouillon Chartier, de la guinguette des bords du canal de l'Ourcq aux expositions d'art contemporain, des "Chansons d'amour" de l'Albatros aux croissants chauds qui clôturent les nuits blanches...