jeudi 25 février 2010

Le hameau (lac Karakol)


Près du lac, sur la rive Ouest, deux familles Kirghize vivent de leur élevage et, parfois, de l'accueil de quelques voyageurs de passage. De fin septembre à avril, le climat devient généralement trop rude pour héberger des personnes qui ne sont pas préparées... Les yourtes ne sont certes plus en tissu et en peaux, mais en une sorte de torchis cimenté plus isolant; toutefois, le toit reste ouvert et la porte donne sur une seule et unique pièce où le vent glacé s'engouffre en tourbillonnant. Dans ce petit cercle précaire et fragile, l'essentiel est posé contre les murs (couverture, nécessaire de cuisine). Au centre, un poêle souffreteux tente de lutter contre la rigueur du climat. Il est alimenté de racines et de bouses de yaks séchées qui se consomment trop rapidement. Notre arrivée met un peu d'ambiance: on ne comptait plus sur des visiteurs pour cette saison; ça mérite un thé salé au lait de yak en guise de bienvenue.
Une chèvre fait les frais de notre arrivée. Dépecée par les hommes, sa viande est donnée aux femmes qui préparent le pulau de ce soir. La peau est ensuite mise à sécher. Deux Occidentaux à héberger, c'est une manne financière appréciable. Le chef de famille, le seul à ânonner quelques mots d'anglais, fixe un tarif ridicule, mais précise qu'il est toujours possible de donner plus... Ici, tout manque. Le dénuement est presque total et le rationnement permanent. Un sachet de fruits séchés de Turpan donne matière à discussion pour toute la famille. La plupart goûtent pour la première fois certaines saveurs... Pour donner raison à Aznavour qui chantait que "la misère est moins pénible au soleil", force est de constater que le froid empêche tout repos; il faut assurer sa survie au quotidien. Les quelques mots échangés sont très instructifs sur la vie ici... Ce père de famille est le seul à avoir un jour quitté le lac... pour descendre à Kashgar. Une aventure dont il se souvient avec émotion. En tant que minorité, il explique également qu'un passeport lui donnant le droit de voyager coûte 4000 yuans (430 euros), somme qu'il du mal à concevoir.
En fin de journée, un peu de neige tombe. Puis le jour... en suivant une ligne bien nette qui s'agrandit à mesure que le soleil se cache derrière la montagne. Et le froid, déjà intense, pénètre alors jusqu'aux tréfonds de toutes les choses. De l'avis de nos hôtes, la nuit n'est pas envisageable dans cette yourte. Il faut déménager dans la maisonnette de la deuxième famille (que j'avais imaginé être un cabanon pour entreposer du matériel), sorte de construction basse en brique et torchis, avec une fenêtre où les vitres ont été remplacées par un morceau de bâche en plastique translucide.
Tous les ans, mes élèves de 5e étudient un croquis de l'habitat rural médiéval: un foyer au milieu de la seule et unique pièce, deux meubles à couvercle pour conserver quelques produits, mobilier qui fait également office de lit quand on y pose des draps. Une table encombrée de restes en cours (le pain de la semaine notamment). Ici, tout est exactement pareil, à la différence qu'il n'y a pas de meuble pour faire office de lit, mais une surélévation de la terre au fond de la pièce, qui donne la vague impression de ne pas dormir à même le sol, mais sur un monticule...
Pour la nuit, tout le monde s'entasse en mode sardine et plonge sous six ou sept épaisseurs de couvertures; seule le visage dépasse, créant une formidable amplitude thermique entre la tête et les pieds ce qui, ajouté à l'altitude, signifie le mal de crâne assuré. Rapidement, chacun s'isole dans le silence total et le noir absolu; ce sont des sensations que le citadin ne peut presque plus connaître.
Au matin, réveil au lait de yak salé (c'est bon pour l'altitude). Nous découvrons que la bouteille d'eau en réserve dans l'habitacle de la voiture a gelé et que les fruits sont tous noircis. Nous les offrons cependant, et pour l'enfant de sept ans, aux joues déjà brûlées par le gel, la banane est une découverte extraordinaire. Les instants à réchauffer le fruit glacé sur le poêle ont donné l'occasion d'une intense contemplation... qui s'est muée en un cérémonial quasi religieux lors de la découpe et de la distribution.
Pour se réchauffer, il reste à randonner autour du lac et jusqu'au petit village chinois de l'autre côté....

mardi 23 février 2010

L'arrivée au lac Karakol

Le lac Karakol (Karakul lake) est perché à 4000 mètres d'altitude, avec une vue imprenable sur le Mustagh Ata (7546m). Une communauté Kirghize vit dans quelques yourtes et maisons en briques à l'Ouest du lac. A 5km à l'Est, un minuscule village est coincé à la sortie d'une vallée. Hormis ces activités humaines, discrètes au regard de l'immensité du paysage, l'atmosphère est au voyage dans le Temps, à une époque où la Nature dominait encore l'homme, et où les marques de sa présence étaient dérisoires. Il fait déjà froid en cette fin du mois d'octobre, et les rares voyageurs à s'arrêter dans les parages ont déserté les yourtes.

samedi 20 février 2010

La forteresse de Tashkurgan

Quelque peu en retrait du village, les vestiges abîmés d'une forteresse témoignent que depuis longtemps, Tashkurgan est un point de passage obligé entre l'Empire Céleste et ses voisins... Construit au XIVe siècle, ce poste militaire est en grande partie effondré, mais provoque encore son effet au milieu du paysage.

vendredi 19 février 2010

Tashkurgan 2


Le boulanger réchauffe l'atmosphère avec ses pains épicés et plus loin, une antre de textile s'illumine de rouges et de paillettes. Il en faut des couleurs et des piments pour lutter contre le froid! Le contact est difficile et sans manières, concentré sur l'essentiel. Les langues se délient enfin autour d'un chaud pulau (excellent riz pilaf garni, gras et nourrissant) et du thé.

jeudi 18 février 2010

Tashkurgan 1

La Chine aussi a son Far West... Village désolé composé par le croisement de deux routes, au milieu d'une plaine, Tashkurgan (ou parfois Tashikuergan) respire la tristesse et l'incertitude de ses endroits entre deux mondes, oubliés des uns et des autres, où chacun tente de survivre comme il peut. Lieu de rencontre sans mélanges, étape entre deux pays, poste frontière au milieu des montagnes... tout semble temporaire et précaire, et plus que les heures, c'est le passage qui rythme le Temps.
Pour ne pas oublier le pays où l'on est, des hauts parleurs éructent trois fois par jour de la musique martiale avant de vomir des décibels de litanies propagandistes. Effet glauque assuré sur l'ensemble du village...
Nous sommes en Chine à 30km du Tadjikistan, 60km de l'Afghanistan et 90km du Pakistan... et pourtant, l'impression d'être au milieu de nulle part est persistante! Un coup d'oeil derrière une maison, et c'est une immense étendue herbeuse qui s'enfuit jusqu'aux montagnes.

vendredi 12 février 2010

Vers Tashkurgan (panorama)

A quelques heures de route au Sud de Kashgar, le village de Tashkurgan fait office de poste frontière dans les confins montagneux du Karakoram. Un bout du monde qui a longtemps été un point de passage incontournable entre l'Orient et l'Occident... Une visite s'imposait. Sur la route, l'émerveillement est à chaque détour.
Cliquez sur le panorama pour l'agrandir.

lundi 1 février 2010

Mao - Kashgar

24 mètres de propagande au cœur du Xinjiang. Il s'agit de l'une des plus grandes statues de Mao; le fait qu'elle ait été construite ici en 1968 est lourd de sens. Magnifique exemple de l'art officiel communiste d'un point de vue formel, elle est orientée vers le Sud et bénéficie d'une belle lumière au milieu d'une grande place vide... ou presque. Derrière leurs sacs de sable et leurs camions bâchés verts, les militaires veillent sur cet emplacement stratégique.